Il y a un an, le Gouvernement israélien lançait l’opération Bordure protectrice sur la bande de Gaza, prétendant agir en réponse aux tirs des roquettes et mortiers des groupes armés palestiniens vers Israël. Bilan de l’attaque: 2 132 Palestiniens (dont 70% de civils) et 71 Israéliens (dont 9 % de civils) ont perdu la vie. À Gaza, un quart de la population a été déplacée, des quartiers entiers ont été rasés, 75 hôpitaux et 270 écoles ont été endommagés et 18 000 habitations ont été détruites laissant plus de 100 000 personnes sans abri. Un bilan si désastreux qu’une organisation de l’ONU déclarait que la reconstruction prendrait 20 ans.
Dans les conclusions de son rapport de juin dernier, la commission chargée par le Conseil des droits de l’homme de l’ONU d’enquêter sur les violations du droit international commises durant Bordure protectrice évoque un «niveau de dévastation sans précédent » à Gaza. La commission souligne que des violations du droit international humanitaire – et potentiellement des crimes de guerre – ont été commises par Israël et les groupes armés à Gaza. La disproportion en termes de puissance militaire est néanmoins évidente. Comme le souligne la commission, les nombreuses attaques menées par l’armée israélienne contre des quartiers résidentiels ou densément peuplés, alors qu’il était clair que l’impact sur les populations civiles serait désastreux, sembleraient s’inscrire dans une doctrine militaire, approuvée au plus haut niveau du gouvernement israélien.
Depuis plusieurs années, les opérations militaires israéliennes se succèdent (Plomb durci en 2008, Pilier de défense en 2012, Bordure protectrice en 2014) et leur bilan est de plus en plus lourd. Durant les hostilités, on constate une véritable érosion des règles de base du droit international humanitaire. L’utilisation d’armes explosives par l’armée israélienne dans des zones urbaines densément peuplées a augmenté de façon exponentielle. L’emploi massif de bombes aériennes et d’artillerie lourde démontre une indifférence choquante pour le sort de la population civile à Gaza. En même temps, la croissance progressive de la portée des roquettes des groupes armés à Gaza met un plus grand nombre de civils israéliens en danger. Aujourd’hui, à Gaza, un enfant de 7 ans aura subi trois opérations militaires de grande ampleur. Les seules constantes qu’il aura connues sont le blocus, l’impunité, les pertes civiles, les destructions et aucun espoir d’une vie digne et sûre à l’avenir.
Après l’opération Bordure protectrice, une conférence internationale s’est tenue au Caire afin de réunir les bailleurs de fonds pour la reconstruction de Gaza. En ce jour, seuls 27 % des 3,5 milliards de dollars déjà levés ont été débloqués. Les questions sous-jacentes au blocage des fonds sont cyniques : pourquoi refinancer des infrastructures qui pourraient être détruites dans les prochains mois ? Comment investir dans la reconstruction alors que ce sont les mesures de restrictions sévères imposées par Israël qui empêchent la reconstruction ?
La situation d’extrême urgence de la bande de Gaza n’est pas uniquement liée aux attaques à répétition. Depuis huit ans, la population gazaouie vit sous blocus israélien. Or il s’agit d’un des territoires les plus densément peuplés du monde. Durant les attaques, il n’y a pas d’abri où se réfugier. Et après les attaques, la reconstruction est quasi impossible. En dehors des attaques, et en conséquence de l’enfermement, l’économie est dévastée, le taux de chômage est de 47 % tandis que 80 % des habitants vivent grâce à l’aide alimentaire internationale. L’activité industrielle est au point mort, le fonctionnement des hôpitaux dépend de l’acheminement de l’essence pour les groupes électrogènes, l’exportation de produits issus de l’agriculture est impossible et les zones de pêche autorisées par l’armée israélienne n’ont toujours pas été élargies contrairement aux accords de cessez-le-feu signés après la guerre de l’été dernier. Les hôpitaux, les écoles, le système d’égouttage, des stations d’épuration, la centrale électrique et d’autres infrastructures touchées par l’armée israélienne sont dans un état de délabrement qui met en danger la santé, l’éducation, le développement et tout simplement la vie des habitants.
Des organisations internationales ont condamné un nombre incalculable de fois le blocus et le fait qu’il constitue une punition collective de la population palestinienne. Israël fait la sourde oreille, sans qu’aucune réelle pression ne soit exercée à son égard. La politique israélienne qui vise à séparer Gaza de la Cisjordanie est toujours en vigueur et fragmente profondément le territoire palestinien occupé autant que la société palestinienne.
Alors que les rapports d’experts se succèdent, soulignant les uns après les autres la situation d’extrême urgence dans laquelle se trouve la bande de Gaza, la communauté internationale reste les bras croisés. Avec l’impunité qu’elle octroie à Israël et son inaction face au blocus, elle a une lourde responsabilité dans l’avenir de cette prison à ciel ouvert.
En conséquence, nous, organisations de la société civile belge, appelons notre gouvernement à :
1. agir aux niveaux national, européen et international pour mettre fin au blocus illégal de Gaza ;
2. agir en vue de mettre fin à l’impunité qui prévaut à Gaza et en Israël. Il est essentiel que des comptes soient rendus pour les violations avérées du droit international humanitaire. La Belgique doit soutenir chaque démarche qui tend à cet objectif et garantir que les violations des droits humains ne se répètent plus ;
3. agir pour mettre fin à la politique israélienne de séparation drastique des entités palestiniennes et pour maintenir l’intégrité territoriale de la Palestine ;
4. relancer les négociations du Caire afin de reconstruire Gaza ;
5. suspendre immédiatement les transferts d’armes ou de munitions vers Israël (c’est déjà le cas pour les groupes armés à Gaza) vu le risque majeur de voir ces armes servir à des violations du droit international humanitaire. La Belgique doit garantir que la suspension du transfert des armes sera respectée au niveau européen en accord avec la position commune sur les transferts des armes du Conseil de l’Union européenne.